Quel processus politique réaliste pour l’indépendance de la Savoie ?

Retrouver l’identité savoisienne

En ces temps troublés, d’abord par la médiocrité et l’incurie des pseudo élites européennes, il est important de continuer notre réflexion sur la Savoie et son avenir proche et lointain. Dans nos précédents articles aimablement publiés par Breizh-Info, il s’agissait de donner une méthode pour souffler sur les braises prêtes à s’éteindre de la mémoire savoisienne, de resituer notre identité spécifique et notre histoire millénaire. Il est souhaitable maintenant de réfléchir, de manière prospective, aux mécanismes politiques à mettre en œuvre pour déclencher un processus d’indépendance de notre Savoie bien-aimée.

Pour commencer, il faut rappeler la nécessité absolue d’effectuer un travail de mémoire pour se souvenir de ce que fut la Savoie de nos pères avant le rattachement à la France : un des plus antiques Etats européens. Un Etat que ses princes, au fait de leur puissance, abandonnèrent pour succomber aux illusions des nationalismes du 19ième siècles. Nationalismes qui furent, il faut bien le comprendre, une destruction des vraies identités européennes locales. Aucun processus politique ne pourra être engagé sans que les Savoisiens de souche ne se réapproprient leur héritage et leur identité, les resituant dans une perspective historique et surtout symbolique.

Je réitère mon appel pour un usage massif, intensif et généralisé de la Croix de Savoie. Partout, en toute occasion, la Croix de Savoie doit pavoiser nos villes et nos villages, nos balcons et nos jardins. Comme ici pour l’ornementation de mes armes personnelles dont la devise porte cette nécessité d’être le gardien de la mémoire, la Croix de St Maurice, notre saint patron, complétant l’ensemble. Il est en effet évident que seule une perspective de réaffirmation de la foi catholique, culturellement et cultuellement peut soutenir ce mouvement.

La Ligue Savoisienne avait réalisé un travail incroyable dans les années 90. Il y eut alors une véritable renaissance de l’identité savoisienne, au point que le mouvement commençait vraiment à faire peur à Paris. C’est l’honneur de Jean de Pingon et de Patrice Abeille d’avoir réalisé ce travail. Malheureusement, ce dernier en politisant le mouvement en se présentant aux élections régionales de 1998 tua le mouvement culturel qu’il portait brillamment.

Ce travail de réappropriation culturelle de notre identité savoisienne est donc majeur, cette identité se déclinant selon 4 composantes : alpine, francophone, catholique et fidèle à ses princes. La Savoie a finalement de la chance que cette famille, qui l’a délaissée pourtant, existe toujours. Bien naïvement sans doute, je crois que celle-ci pourrait jouer un rôle de soutien dans le futur processus d’indépendance. C’est sans doute moins irréaliste que de faire l’indépendance de la Savoie avec des arguties juridiques autour du Traité de Turin ! L’indépendance se fera en réchauffant l’amour de la Savoie, pas devant des cours internationales ! La stratégie juridique de certains groupes indépendantistes visant à faire constater l’abrogation de fait du Traité de Turin de 1860, celui-ci n’ayant pas été réenregistré par la France auprès de l’ONU après la seconde guerre mondiale. (voir par exemple : Rappel Juridique 1947 | ÉTAT de SAVOIE (etat-de-savoie.com)) Plus ridicule encore, la tentative de faire passer le peuple de Savoie comme une minorité en voie de disparition sur son propre sol en l’inscrivant à l’UNPO (Organisation des nations et des peuples non représentés) qui n’est ni une agence de l’ONU ni une ONG… Même si certains indépendantistes bretons ont fait la même chose, nous ne sommes pas des Pygmées en voie de disparition ! Nous sommes parmi les plus grands et plus antiques peuples européens.

Tout ceci est ridicule et parfaitement contradictoire. En effet, comment justifier l’existence de la Savoie libre et indépendante en passant par des structures mondialistes comme l’ONU et les cours internationales ? Cela nous empêche d’avancer à la manière savoisienne : pragmatique, réaliste et concrète ! La crise actuelle entre la Russie et l’Ukraine démontre que la géopolitique est d’abord une question de rapport de force. Les Traités internationaux ne sont là que pour enregistrer l’état de ces rapports à un moment donné.

Or, le rapport de force inscrivant la Savoie dans l’Etat français depuis 1860 n’a pas bougé d’un iota malgré l’instabilité politique française que nous avons malheureusement rejoint. En 160 ans, la Savoie a connu un empire, trois républiques, un régime collaborationniste mais chacun de ces régimes a œuvré à la disparition de la spécificité savoisienne.

Ce rapport de force est même particulièrement défavorable à la Savoie aujourd’hui puisque la Savoie s’est profondément « désavoyardisée », selon l’expression de l’historien de la Savoie Paul Guichonnet, même si dans les vallées rurales ce sont encore majoritairement les vieilles familles locales qui dirigent les communes. Ce rapport de force entre la Savoie et la France n’évoluera que si un véritable mouvement culturel savoisien conquiert les intelligences et les cœurs ; et si certains non savoisiens résidents en Savoie peuvent se projeter dans une future Savoie libre, prospère et sûre.

Régionalisation de la Savoie.

Si cette condition de l’existence d’un mouvement culturel savoisien fort était remplie, quel serait le premier pas politique vers l’indépendance et quelles seraient les autres étapes ?

Soyons pragmatique comme savent l’être les Savoisiens. Depuis plusieurs années, la fusion des deux départements (Haute-Savoie et Savoie) est à l’ordre du jour. Le mouvement Région Savoie a fortement œuvré dans ce sens ce qui a abouti à la création de l’Assemblée des Pays de Savoie en 2001, devenue en 2016 le Conseil Savoie Mont Blanc et réunissant les deux conseils départementaux. Mais cette assemblée n’a aucune existence légale en droit français et n’a donc aucun pouvoir. En outre, la Haute-Savoie, riche et prospère grâce à Genève principalement – nous y reviendrons- a toujours traîné les pieds face à cette fusion, Annecy perdant nécessairement sa place au profit de Chambéry.

Hervé Gaymard, actuel président du Conseil départemental de Savoie, est le fer de lance de ce mouvement. En rédigeant une lettre adressée aux deux assemblées départementales en 2018, il a relancé le débat :

            « Aujourd’hui, alors que les Départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin sont autorisés à s’unir pour créer une collectivité européenne d’Alsace, le sujet (la création d’un Département Savoie Mont-Blanc) redevient d’actualité. (…)

Le Pays de Savoie Mont-Blanc est un périmètre pertinent d’action, pas seulement parce que les deux départements, artificiellement séparés en 1860, partagent la même histoire. Mais aussi parce que nos économies à la fois se ressemblent et sont complémentaires. Nous sommes par ailleurs une exception en France, car les deux-tiers de notre richesse économique ne sont pas dans les agglomérations capitales, mais dans les vallées. L’échelon Savoie Mont-Blanc est donc pertinent pour mettre en œuvre les politiques d’aménagement du territoire et de solidarité territoriale. »

Hervé Gaymard a bien compris le danger pour les deux départements de Savoie d’être marginalisés au sein de la Région AURA, grande comme l’Autriche et rayonnant autour des métropoles de Lyon et de Grenoble. Un des risques pour la Savoie est de se trouver marginalisée à l’est de ce grand ensemble sans cohérence géographique et historique.

Les vrais Savoisiens et amis de la Savoie ne peuvent être que d’accord avec un tel projet. Encore une fois, soyons pragmatiques, soutenons tout ce qui peut aller dans le sens d’une Savoie forte et d’une identité savoisienne réaffirmée. Je n’ai pas de mots assez durs pour dénoncer les élus de Haute-Savoie qui font tout pour que ce projet de fusion n’advienne pas. Originaire de Savoie du Nord, si je peux comprendre certaines de leurs craintes, la perspective d’une Savoie unie l’emporte largement sur les quelques privilèges que ces apparatchiks perdraient.

Cette étape de la fusion des deux départements en un seul est l’étape qui précède une régionalisation et une émancipation de la région Rhône-Alpes Auvergne. Dans une France de plus en plus faible et administrativement désorganisée, ce puissant département pourrait facilement exiger sa régionalisation.

L’étape suivante serait bien sûr l’autonomisation de la Savoie. Le mot est à la mode en ce moment puisque Emmanuel Macron a déclaré récemment que « l’autonomie de la Corse n’était pas un tabou. » A fortiori celle de la Savoie qui n’est française que depuis 1860! Mais plus que la Corse, c’est notre voisine et sœur, la Vallée d’Aoste, autonome depuis 1948, qui doit nous servir d’exemple. Certes, l’organisation politique de l’Italie a favorisé cette autonomie. Les minorité linguistiques régionales y ont toujours été respectées. Il en va tout autrement dans la France centralisée, parisienne et jacobine.

La très profonde crise actuelle de la France ne peut que s’aggraver. En effet, les institutions et la technostructures françaises étouffent toute velléité de réforme du pays. Cet état de fait est une chance pour la Savoie. Il faut savoir la saisir et œuvrer puissamment pour que la transformation : départementalisation-régionalisation-autonomisation puisse se faire rapidement.

La perspective helvétique

Si, grâce à un mouvement culturel puissant, l’identité savoisienne renaît dans les cœurs des Savoisiens et des amis de la Savoie, la prospérité d’une future Savoie libre et souveraine devra être démontrée et travaillée. Nous gagnerons ainsi, non pas les cœurs, mais les portes-monnaies d’habitants de la Savoie qui pourront être séduits par cette perspective.

Notre modèle indépassable d’organisation politique, administrative et économique est évidemment notre puissant voisin alpin, la Confédération Helvétique.

Je le crois et le proclame bien fort : l’indépendance de la Savoie ne pourra pas se faire sans de puissants soutiens et en tout premier lieu sans l’appui de la Suisse.

Ainsi donc, parallèlement au travail culturel entrepris pour fortifier l’identité savoisienne, devra s’effectuer un travail de lobbying auprès des autorités suisses et d’abord auprès de Genève.

Dans l’espace géographique et historique de la Savoie, Genève a toujours été la métropole la plus importante. Cette ville ne doit ni nous faire peur, ni être méprisée et encore moins être oubliée dans notre projet d’une future Savoie libre et souveraine. Rien ne se fera sans elle.

Je sais qu’en écrivant cela, je vais choquer quelques personnes qui, même en Savoie, n’ont que des clichés dans la tête. L’Escalade ou les vilains frontaliers, l’argent des banques ou le mépris genevois pour la Savoie… Nos ancêtres en prévoyant une zone franche avec Genève lors du référendum de 1860 savaient très bien que cette ville leur était indispensable.

Comme nos ancêtres exigeons le retour et l’extension des zones franches autour de Genève ! Ce serait un premier pas vers la disparition pure et simple de ce que certains géographes appellent la frontière la plus bête du monde. Permettons à Genève de retrouver son arrière-pays (qui s’appelle bien le Genevois !) et permettons à la Savoie de profiter du dynamisme de cette ville internationale à laquelle d’éminentes familles savoisiennes ont participé. Qu’il suffise de donner l’exemple de la famille Pictet, puissante famille patricienne de la ville encore aujourd’hui, dirigeant une des plus puissante banque privée au monde et originaire de Neydens dans le Genevois…dit français. L’enclavement de Genève est aujourd’hui un vrai problème pour la ville. Il est naturel pour elle de retrouver son arrière-pays dont elle s’est elle-même coupée en se livrant à la Réforme.

Le lobbying qui doit être entrepris par les Savoisiens vis-à-vis de la Suisse doit donc se faire à deux niveaux :

  • Au niveau du canton de Genève en faisant comprendre l’intérêt économique de retrouver un arrière-pays ouvert et amical et de soutenir le mouvement d’autonomisation de la Savoie.
  • Au niveau de la Confédération à Berne en rappelant les intérêts stratégiques de la Suisse et de sa sécurité. En effet, les Savoisiens pourraient proposer le rétablissement de la neutralité de la Savoie du Nord, assurée par le Congrès de Vienne, en l’étendant à toute la future Savoie libre. La nature stratégique de la rive sud du Lac Léman existe encore aujourd’hui pour la Suisse, croyez-le bien !

Il s’agit également de dire à la Suisse que la nouvelle Savoie compte bien prendre sa démocratie, son organisation politique ultra décentralisée et son économie comme exemple à suivre. La Suisse ne peut être que favorable à l’établissement d’un petit Etat neutre et prospère à son image entre elle et la France à sa frontière ouest.

Quand la Savoie voudra passer d’un statut de région autonome de la France à celui d’un Etat indépendant, le soutien actif des autorités helvétiques devra être acquis.

Si les Romands pourront sans doute facilement être convaincus de soutenir l’indépendance de leurs voisins et cousins savoisiens, c’est bien plutôt Berne et Zürich qu’il faudra convaincre et éclairer. Là encore ce sont des échanges culturels et intellectuels avec tous les milieux qui comptent qu’il faudra mettre en place. Faire découvrir à ces si proches mais si lointains Suisses allemands la spécificité géographique et historique de la Savoie.

Et l’Europe dans tout cela dirons certains ? D’aucuns ont cru que l’UE pourrait être un soutien aux différents mouvements indépendantistes. Mais l’Europe des Régions développée par la monstrueuse technocratie bruxelloise est celle des nouvelles grandes régions françaises, contribuant à la destruction définitive des identités provinciales en France. Je suis farouchement opposé à toute idée d’union politique européenne. Celle-ci est une continuation du nationalisme du 19e siècle ayant contribué à la disparition de la Savoie ! Mon rêve ressemble plus au Saint-Empire romain germanique qu’à l’Union Européenne technocratique de Bruxelles.

Être prêts lorsque l’occasion se présentera

Résumons donc le processus politique pragmatique et réaliste que nous proposons pour arriver à notre but, l’indépendance retrouvée de notre Savoie bien-aimée :

  • Court terme : soutien de Hervé Gaymard dans sa volonté de créer un département Savoie par fusions des deux départements savoisiens actuels.
  • Moyen terme : régionalisation du département en réaffirmant sa spécificité et son identité propre face à la région AURA. Puis autonomisation à l’occasion de l’accentuation inéluctable de la crise politique et économique française.
  • Action de fond et de long terme :
  • Créer et développer un puissant mouvement culturel savoisien pour ressusciter l’identités savoisienne. Une action à entreprendre dès maintenant est d’exiger de la France la mise en place d’un programme d’histoire de Savoie jusqu’en Terminale pour tous les élèves des deux départements.
  • Lobbying culturel et politique de haut niveau auprès des cantons suisses et de Berne pour faire passer l’idée d’une Savoie libre. Faire miroiter un territoire neutre et ami à ses portes. Ce lobbying ouvrira d’autres contacts internationaux fructueux.
  • De l’autonomie à la demande de d’indépendance. Nous vivons de profonds bouleversements politiques et civilisationnels. Nous sentons bien que l’histoire peut subitement s’accélérer. Les Savoisiens devront être prêts lorsque se présentera l’alignement des planètes qui leur permettra d’exiger l’indépendance. Cela se fera sans doute par un référendum ou bien alors la situation de la France sera tellement désastreuse que cela se fera presque naturellement si nous sommes préparés.

C’est à cette préparation lointaine que l’auteur de ces modeste lignes souhaite participer. Encore une fois, j’appelle à un débat parmi les Savoisiens afin de trouver la stratégie mais aussi les hommes et les moyens d’action qui seront les plus à même d’œuvrer à cette future Savoie libre et indépendante.

Vive la Savoie !

Reybaz

Cet article a été aimablement publié sur le site de réinformation http://www.breizh-info.com https://www.breizh-info.com/2022/03/26/182219/quel-processus-politique-realiste-pour-lindependance-de-la-savoie-lagora/