Après s’être préparé à la méditation :
– en se mettant en la présence de Dieu
– en l’invoquant
– en se proposant un mystère à méditer,
Saint François invite le débutant dans l’art de l’oraison à faire travailler son entendement : « Après l’action de l’imagination, s’ensuit l’action de l’entendement que nous appelons la méditation, qui n’est autre chose qu’une ou plusieurs considérations faites afin d’émouvoir nos affections en Dieu. » (Introduction, II, 5)
Ainsi, toutes les puissances de l’âme sont impliquées dans la méditation salésienne : l’imagination, la raison discursive et les affections qui vont déboucher sur l’action.
Si je médite la Passion et plus particulièrement l’agonie de Jésus , je peux ressentir de la tristesse en imaginant Jésus seul au jardin des Oliviers, abandonné par ses apôtres endormis. L’âme, ainsi enseignée par cette tristesse ressentie dans la méditation, prendra, par exemple, la décision d’aller visiter un ami esseulé ou malade :
la méditation n’est pas une fuite du réel mais une invitation puissante à agir au coeur du monde et de ses détresses.
« La méditation répand de bons mouvements en la volonté ou partie affective de notre âme, comme sont l’amour de Dieu et du prochain (…) et en ces affections, notre esprit se doit épancher et étendre le plus qu’il sera possible. » (Introduction, II, 6)
Alors que la méditation est souvent entendue aujourd’hui comme un exercice de maîtrise et de concentration, Saint François l’enseigne comme un exercice d’exaltation de nos affections, celles-ci étant bien entendu dirigées vers Dieu. A l’époque de Saint François, on ne s’étonnait pas des émotions et des affections exprimées publiquement, pleurer en public n’était pas le signe d’une faiblesse mais d’une acuité spirituelle. Notre malheureuse époque, qui nous apprend à ne rien laisser percevoir de nos faiblesses, ferait bien de s’inspirer de cette époque où les expressions publiques des émotions étaient admises et encouragées.
» Il ne faut pas pourtant, Philothée, s’arrêter tant à ces affections générales que vous ne les convertissiez en des résolutions spéciales et particulières pour votre correction et amendement. Par exemple, la première parole que Notre Seigneur dit sur la Croix répandra sans doute une bonne affection d’imitation en votre âme, à savoir, le désir de pardonner à vos ennemis et de les aimer. Or, je dis maintenant que cela est peu de chose, si vous n’y ajouter une résolution spéciale en cette sorte : or, sus donc, je ne me piquerai plus de telles paroles fâcheuses qu’untel et une telle, mon voisin ou ma voisine, mon domestique ou ma domestique disent de moi, ni de tel et tel mépris qui m’est fait par celui-ci ou celle-là; au contraire, je dirai et ferai telle et telle chose pour le gagner et adoucir, et ainsi des autres. Par ce moyen, Philothée, vous corrigerez vos fautes en peu de temps, là où par les seules affections vous le ferez tard et malaisément. » (Introduction, II, 6)